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The human ear offers not just another hole in the body, but a hole in the head. 
Douglas Kahn

Vingt ans. Acte de naissance d’Avatar, tel un répons au cri de Douglas Kahn lancé au même moment : « Let the clamor begin! » C’est qu’il en va d’un laborieux butinage, de-ci de-là, afin de récolter des éléments théoriques interrogeant silence, bruit, interférence et compagnie et la généalogie, polysémique, de leur mise en circuit. Les tours et détours d’une phonographie. Nous n’en sommes pas alors, loin s’en faut, à la prolifération des sound studies, qui ont pour figure tutélaire Jonathan Sterne, pour ne nommer que lui. D’autre part, début des années 1990 toujours, envers du décor : un art audio cherche son nom, concocté au fil d’exemples hétéroclites, avec patronymes connus à la clef. Wireless Imagination prend acte, et son essor, de cette « tradition » éclatée. Avatar tout autant. Vibrant pionnier, attentif aux grillons sillonnant les champs.

The trouble begins with a design philosophy that equates "more options" with "greater freedom".
Brian Eno

Avatar, joueur désormais stratégiquement placé pour s’accorder et répliquer, sourire aux lèvres, à la célèbre maxime d’Eno. Du fait d’une expertise avérée, dès ses premières années, sur le plan d’une connaissance acérée des potentialités dégagées par les avancées technologiques; surtout, mais n’est-ce pas là réitérer le même motif sous d’autres atours, de sa capacité hors pair d’en instruire la critique lorsqu’elles se présentent drapées d’une normativité… usurpée. Cherchant à imposer la seule métrique de leur rythme tandis que de microtourbillons et trublions s’agitent sous la surface. Ralenti obligé. Il n’empêche… Pour qui ne s’en laisse pas conter par les discours fétichisant « le » son ou avalisant la puissance exponentielle des moyens censés permettre de le maîtriser sans reste, par démultiplication de ses paramètres, ou pour qui ne se laisse pas ficeler par la vision prométhéenne d’un Sujet — exemplifiée, nous semble-t-il, par le bodyhacking  —, il est des ressources inédites, générées par les nouvelles technologies pour que se trouve fragilisée la croyance en un vieux motto de l’Occident, l’« originalité ». Ce que, causant d'Avatar à Aix-en-Provence, relevait de son côté Jocelyn Robert, inspiré par Le sacre de l’auteur de Bernard Edelman : ces technologies, en effet, « ne créent pas que des nouvelles manières de faire, elles constituent de nouvelles communautés dans lesquelles les rôles sont à redéfinir. Alors que certains philosophes humanistes crieront sûrement à la catastrophe, notre rôle est d’explorer ces constats, de les requestionner et de faire émerger clairement les pratiques et les œuvres qui en découlent ».


« Agent de détournement(s) », selon le mot avisé de son président. Catalyseur de projets multipistes, fuyant le spectaculaire. Optant pour l’altération inattendue, l’infime dislocation, le crépusculaire. Inquiétant les réquisits de « modèles standards » lors même qu’ils travaillent en sourdine au lissage (entendre effacement) de toute aspérité d’un rendu d’une œuvre ou des dérive(s), inquiètes-jouissives, d’un processus. Et de ses gestes, à l’avenant. À l’encontre, donc, de ces mises entre parenthèses, sinon mises à l’index, des contextes, œuvrer bien plutôt au feuilletage de corporéités absentes, « dispersives » suivant le mot de Julie Perrin, d’espaces-temps enfouis, inouïs... attendant délicatement leur heure tels ces Temps individuels de Catherine Béchard et de Sabin Hudon.


Aventure d’Avatar qui se poursuit, si! On applaudit!